Parcours de soins – Solidarité avec les médecins libéraux

Parcours de soins – Solidarité avec les médecins libéraux

Lettre d’Alliance-Hôpital (SNAM-HP & CMH) sur la journée d’action du 14 février 2023

Paris le 12 février 2023

Alliance-Hôpital (SNAM-HP & CMH) a toujours été favorable à la coopération entre médecins et soignants. La possibilité pour ces derniers d’évoluer vers des pratiques de soin avancées est une solution à développer à la fois pour leur offrir des perspectives de carrière mais aussi pour libérer du temps médical et dynamiser la collaboration au sein des équipes hospitalières, sans que cela soit considéré comme une solution à la pénurie de médecins et de soignants.

Cependant la mise en place de ces pratiques avancées doit se faire dans une exigence stricte de la compétence et de la qualité des soins, au sein d’un parcours de soins coordonné par le médecin. Le vote récent par l’assemblée nationale de la PPL N° 362, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé dont l’article 1er permet d’ouvrir l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) sans passer en amont par un médecin installe dans la durée l’inégalité d’accès aux soins dans les territoires en tension et met en danger la qualité et la sécurité des soins. Tout citoyen doit avoir droit à un diagnostic médical et à une stratégie thérapeutique qui relèvent de la seule compétence des médecins.

C’est pourquoi nous soutenons nos collègues médecins libéraux dans leur journée d’action du 14 février prochain.

Possibilité pour les médecins hospitaliers d’exercer une activité en cumul emploi-retraite jusqu’à 72 ans maintenue jusqu’en 2035

Une mesure de bon sens mais sans effet sur l’attractivité

Notre demande auprès de la DGOS de prolonger la possibilité pour les médecins hospitaliers d’exercer une activité en cumul emploi-retraite jusqu’à 72 ans s’est concrétisée dans un amendement du PLFSS pour 2023 présenté par le gouvernement qui l’autorise jusqu’en 2035.

Cette mesure de bon sens, qui évite de voir environ 1000 médecins de plus quitter l’hôpital public au 31 décembre 2022, n’a malheureusement aucun impact sur l’attractivité des jeunes médecins pour l’hôpital public et n’évitera pas le départ des plus jeunes praticiens en poste.

Comme Alliance-hôpital SNAM-HP &CMH l’a mainte fois souligné, seule une revalorisation et un raccourcissement de la carrière des praticiens, qui s’est allongée de 8 ans après les modifications de la grille de échelons lors des réformes de ma santé 2022, puis des accords du « Ségur », passant de 24 à 32 ans, permettra une réelle amélioration de l’attractivité. Il est particulièrement urgent d’appliquer cette mesure associée à la valorisation significative de la permanence des soins et une amélioration très sensible des conditions d’exercice.

La nouvelle prime d’enseignement supérieur et de recherche (PESR) pour les Hospitalo-Universitaires : très Insuffisante pour l’attractivité

10 octobre 2022

L’attractivité des carrières de l’enseignement et de la recherche universitaire a récemment bénéficié de la loi du n°2020-1674 du 24 décembre 2020 (dite loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 – LPR) qui a revu les régimes des primes des enseignants chercheurs.
Le décret n°2021-1895 du 29 décembre 2021 a créé le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC), constitué de 3 composantes qui ne s’appliquent pas en totalité aux personnels hospitalo-universitaires (cf. détail des primes en Annexe).
1. Quelle est cette nouvelle prime ?
La composante « C1 » liée au grade – dite également statutaire – est attribuée aux enseignants-chercheurs universitaires (les mono-appartenants), mais pas aux hospitalo-universitaires (HU) de l’établissement. C’est une anomalie, voire une discrimination, compte tenu de l’implication statutaire des HU au niveau de l’enseignement et de la recherche.

Pour compenser cette anomalie, le MESRI, plutôt que d’aligner enfin la prime des HU sur celle des mono-appartenants, a institué cette nouvelle « prime d’enseignement supérieur et de recherche (PESR) » des membres du personnel titulaire enseignant et hospitalier (Décret no 2022-1252 du 23 septembre 2022) qui se veut un équivalent de la prime statutaire (dite C1). Cette prime est attribuée aux personnels « qui participent à l’élaboration et à la transmission des connaissances médicales, pharmaceutiques et odontologiques ainsi qu’au développement de la recherche dans ces domaines ».

Cette prime PESR, apparue au décours du Ségur de la Santé – et présentée comme facteur d’attractivité – n’a pas été validée par Alliance-Hôpital : nous nous sommes insurgés quant à son montant, et ses conditions d’attribution (taux variable : 33%, 66 % ou 100 % et dossier de demande complexe) qui ne constituent pas un facteur d’attractivité. Son montant annuel s’échelonne de 238 à 714 € pour 2022 (montant qui devrait croitre jusqu’en 2027 pour atteindre environ 2000 € au taux maximum). Par comparaison, pour les personnels mono-appartenants, la prime statutaire annuelle a été de 2 800€ en 2022 (et ce montant en 2027 sera de 6400 €).

2. Quelle est la signification de cette nouvelle prime ?
Il y a plusieurs différences majeures entre cette prime et la prime statutaire dont bénéficient les personnels mono-appartenants :
– Son montant très inférieur (environ 3 fois inférieur) ;
– Sa gradation avec 3 niveaux possibles (33 % – 66 % et 100 %) ;
– L’obligation pour en bénéficier de déposer un dossier complexe, car la prime nécessite un avis du conseil d’UFR qui atteste de l’accomplissement des obligations de services universitaires (en fonction de la charge d’enseignement et de recherche exercée).
Cette prime PESR appelle quelques commentaires de la part d’Alliance-Hôpital :
La prime statutaire dite C1 des personnels mono-appartenants est pertinente pour l’attractivité de ces métiers. Mais ce qui est proposé comme « équivalent » pour les personnels HU n’améliorera pas l’attractivité de leurs carrières.
1 – Le montant :
Pourquoi une telle différence dans son montant –vis-à-vis de nos collègues universitaires mono-appartenants quand, au-delà des activités d’enseignement classiques, sur site universitaire et sur site hospitalier, l’implication des personnels HU se trouve très augmentée avec la mise en place et le suivi des étudiants de 3eme cycle (qui concerne toutes les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques). Nous demandons son alignement sur celle des mono-appartenants. Par ailleurs, sur le fond, cette prime différenciée entre hospitalo-universitaires et universitaires nous semble constituer une rupture du principe d’égalité et nous nous réservons le droit de faire un recours devant le Conseil d’État contre le ministère de l’enseignement supérieur.
2 – Les modalités d’attribution :
A la différence de la prime statutaire des mono-appartenants, l’attribution de la prime PESR pour les HU nécessite de renseigner un « compte-rendu d’activité d’enseignement et de recherche » (avec 2 pages d’items détaillés dans le JO, ce qui le rend aussi fourni qu’un dossier de demande de promotion au CNU !).

Elle est soumise à l’avis du conseil d’UFR, ce qui inclura les étudiants et les personnels BIATSS qui vont donner un avis sur la charge d’enseignement et de recherche des collègues, alors qu’un avis en formation restreinte aux HU (comme c’est le cas pour les avis des promouvables) aurait été suffisant. A un moment où se pose le problème crucial de l’attractivité de la carrière hospitalo-universitaire, est-il raisonnable de demander aux collègues HU de trouver le temps de renseigner un dossier long et tatillon et de mobiliser nos conseils d’UFR pour analyser et classer ces demandes dont on nous dit qu’elles devraient, sauf situations exceptionnelles, être généralisées à quasiment tous les collègues ?

Quel est ce signal adressé à nos jeunes et futurs collègues HU avec une prime si indigente et si complexe ? Certainement pas celui de l’attractivité !

La CMH et le SNAM-HP, syndicats représentatifs réunis sous la bannière d’Alliance-Hôpital, rappellent la nécessité d’un traitement juste et équitable pour les HU. Ils demandent une vraie revalorisation à la hauteur des responsabilités et des services rendus. Le malaise est profond et ancien, et les impératifs de la démographie à venir où près du quart des enseignants vont partir à la retraite dans les 5 ans font qu’il ne faut plus tergiverser devant l’étendue des défis à venir. C’est simplement tout l’avenir de la médecine hospitalière qui est en jeu. Il ne sera certainement pas réglé par cette nouvelle prime de 60 € mensuels…

Pr Pascal le Corre, SNPHPU & CMH
Pr Sadek Beloucif, Snam-HP
Pr Jean-Pierre Pruvo, SRH & Snam-HP

Références :
Décret no 2022-1252 du 23 septembre 2022 relatif à la prime d’enseignement supérieur et de recherche du personnel titulaire enseignant et hospitalier NOR : ESRH2217793D
(https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046325749)
Arrêté du 23 septembre 2022 relatif au compte-rendu d’activité d’enseignement et de recherche pour l’attribution de la prime d’enseignement supérieur et de recherche des membres du personnel titulaire enseignant et hospitalier NOR : ESRH2221826A
(https ://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046343809)
Arrêté du 23 septembre 2022 fixant les taux de la prime d’enseignement supérieur et de recherche des membres du personnel titulaire enseignant et hospitalier NOR : ESRH2217798A
(https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046325775)
Annexe : les différentes primes

1 – composante C1 liée au grade, dite également composante « statutaire »
Elle est due à tous les enseignants-chercheurs et chercheurs qui accomplissent leurs missions. Pour bénéficier de cette composante, les enseignants-chercheurs doivent avoir accompli l’intégralité́ de leurs attributions individuelles de service (soit 192 heures équivalent TD).

Elle remplace à compter de 2022, les actuelles primes de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) (décret n°89-775 du 23 octobre 1989). L’arrêté du 29 décembre 2021 porte pour 2022 la part statutaire à 2 800€ par an et sera progressivement revalorisée pour atteindre 6400€ par an. Cette prime est attribuée aux enseignants chercheurs universitaires mais pas aux hospitalo-universitaires de l’établissement.

2 – composante fonctionnelle C2 liée à l’exercice de certaines fonctions ou de certaines responsabilités particulières.
Pour bénéficier de cette composante les enseignants-chercheurs doivent exercer les fonctions ou responsabilités concernées en sus de leurs obligations de service. Elle donne lieu à une indemnité liée à l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités particulières confiées aux enseignants-chercheurs ou chercheurs. Elle remplace les primes de charges administratives (PCA), primes de responsabilités pédagogiques (PRP).

Le montant est plafonné selon les groupes de fonctions ou niveau de responsabilité :
Groupe 1 : Responsabilités particulières ou missions temporaires : montant annuel maximum de 6 000 €
Groupe 2 – Responsabilités supérieures : montant annuel maximum de 12 000 € ;
Groupe 3 – Fonctions de direction : montant annuel maximum de 18 000 €.
Aucun dossier ne doit être déposé par les personnels enseignants-chercheurs pour obtenir cette indemnité.

Cette prime peut être attribuée aux enseignants chercheurs universitaires et hospitalo-universitaires de l’établissement.

3 – composante individuelle C3 sous la forme d’une prime dont les agents doivent faire la demande et qui est liée à la qualité des activités et à l’engagement professionnel.

Cette prime est amenée à remplacer au 1er janvier 2022 la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR).
Elle est attribuée sur dossier après avis de la section du CNU dont relève l’enseignant chercheur puis de l’avis du Conseil Académique.
Cette prime peut être attribuée aux enseignants chercheurs universitaires et hospitalo-universitaires de l’établissement.

Gouvernance de l’Hôpital : La parole trahie du Président Macron

Dans son discours du 18 septembre 2018, le président Macron affirmait sa volonté de

« remettre le médecin au cœur de la gouvernance hospitalière » et de « renforcer la participation des médecins au pilotage stratégique en associant mieux aux décisions médicales les médecins élus à la CME» ; il insistait sur le fait que « la CME devait peser plus dans les décisions à l’hôpital et représenter l’ensemble des médecins de l’hôpital ». Pour cela il voulait « redonner toute sa place au service » et « promouvoir un cadre favorisant le sentiment d’appartenance à un collectif organisé dont les missions, les objectifs, les procédures sont connues et partagées ».

Ce mardi 2 mars 2021, le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux (CSPM) devait voter sur trois textes relatifs à la réforme de la gouvernance à l’hôpital public censés mettre en forme les orientations présidentielles :

  1. Projet d’ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital
  2. Projet de décret relatif aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital
  3. Projet de décret relatif aux attributions des présidents de commission médicale de groupement et de commission médicale d’établissement

Or que constatons nous ?

Un projet de décret constitué d’un gloubi-boulga d’articles non aboutis, avec de nombreux manques, ne permettant pas d’apporter une vision globale suffisante et des réponses précises face aux enjeux d’une gouvernance réellement transformée et ambitieuse. Plusieurs points restent figés dans une vision passéiste et conservatrice, en contradiction avec le discours présidentiel, et ce malgré nos interventions réitérées au cours des différentes séances de concertation.

A titre d’exemples, le texte soumis au vote ce matin prévoyait que la CME « élabore et propose le projet médical au directoire », uniquement, sans que l’avis favorable de la CME ne soit, in fine, requis pour que le projet médical soit validé. Finalement, en d’autres termes, le directeur, président du directoire, peut décider seul, ou avec ses équipes administratives, de l’orientation des activités médicales de l’établissement, du devenir des équipes et des praticiens. Quel poids pour la CME dans ces conditions ? Quelle place pour les praticiens et les responsables de services et d’unités qui connaissent les besoins de santé de leurs populations et qui soignent au quotidien les patients dans les établissements de santé ?

Concernant les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), le même constat est fait pour la Commission Médicale de Groupement (CMG), dont l’avis favorable n’est pas non plus requis pour transmettre le projet médical partagé au comité stratégique, présidé par le directeur du GHT et véritable organe décisionnel du GHT. Comment le Président de la CMG pourrait-il « coordonner » la politique médicale du groupement» si elle n’a pas eu l’aval de la CMG ?

Concernant la composition de la CMG, les représentants des PH seraient désignés par et parmi les membres de chaque CME, mais cette procédure reste à préciser et il serait préférable que les représentants à la CMG soient élus au même titre que les représentants des PH à la CME, les deux élections pouvant être couplées, comme nous l’avons proposé. De plus il est prévu un seul vice-président à la CMG. Nous avons proposé que les Présidents de CME de chaque établissement soient vice-présidents de la CMG pour assurer une meilleure représentation des établissements partie.

Des codécisions entre Président de CME/Président de CMG et directeur sur les nominations des chefs de pôle et les chefs de service, l’organisation interne en pôle et services, la politique de la qualité de la sécurité et de la pertinence des soins sont prévues par ces textes. Cependant les mécanismes de régulation en cas de désaccord entre le PCME/PCMG et le directeur ne sont pas prévus. Nous proposons que pour tout ce qui relève de l’activité médicale un vote de la CME/CMG doit avoir la prééminence.

Enfin, pour l’organisation interne le chef de pôle inter-établissement devrait obligatoirement être un praticien de l’un des établissements partie concernés, et un avis favorable des CME concernées devrait être requis.

Devant un tel constat, nous avons voté unanimement contre ces textes et ce projet de décret, qui va totalement à l’encontre du rapport Claris que nous avions approuvé.

Nous continuerons à nous battre pour que « la CME et les médecins puissent peser dans les décisions à l’hôpital et puissent prendre une part de décision propre ». La loi HPST a donné le tout pouvoir aux directeurs et il aura fallu moins de 10 ans pour constater toutes les conséquences désastreuses d’une gouvernance administrative en termes de management, de qualité de vie au travail et d’attractivité des praticiens. Poursuivre dans cette voie sera mortifère pour l’hôpital public et portera préjudice aux patients et à la qualité de la médecine hospitalière.

Extrait du discours du Président de la République de 2018 :

En termes d’organisation de l’hôpital les choses doivent aussi être plus claires, je veux redonner toute sa place au service, car c’est l’espace de référence des soignants et le lieu de la prise en charge des patients. Non pas pour restaurer des bastions cloisonnés, je ne veux surtout pas rentrer dans le débat beaucoup trop complexe pour moi entre les services et les pôles, dont j’ai compris que je ne parviendrais pas à en saisir la substantifique moelle, mais il s’agit au contraire de promouvoir un cadre favorisant le sentiment d’appartenance à un collectif organisé dont les missions, les objectifs, les procédures sont connues et partagée.

Et donc pour cela je veux remettre le médecin au cœur de la gouvernance. Il faut renforcer la participation des médecins au pilotage stratégique en associant mieux la CME aux décisions médicales, la CME doit peser dans les décisions à l’hôpital et pouvoir d’ailleurs prendre une part de décision propre. Responsabiliser les praticiens dans la mise en œuvre des décisions implique qu’ils s’en sentent partie prenante et à ce titre des représentants des communautés professionnelles de territoire intégreront le conseil de surveillance de leur centre hospitalier de proximité partenaires. Les groupements hospitaliers territoires seront dotés d’une véritable commission médicale d’établissement dont les compétences seront élargies, mais je souhaite aussi que les médecins et leurs représentants puissent prendre une part plus active dans les décisions directes des hôpitaux. Et je souhaite que la possibilité déjà ouverte aux praticiens hospitaliers et au PU-PH de diriger des hôpitaux se réalise pleinement à l’occasion des prochaines nominations et puisse être plus massive.

Il faudra aussi moderniser le statut de praticien hospitalier pour donner plus de souplesse dans l’évolution de carrière et dans la diversité des modes d’exercice. Là aussi il faut faire tomber les cloisons, un médecin doit pouvoir facilement passer d’un exercice en ville à un exercice à l’hôpital et réciproquement et surtout combiner les deux par un exercice mixte qui devrait devenir de plus en plus fréquent.

Dr Norbert SKURNIK, Président de la CMH Pr Sadek BELOUCIF, Président du SNAM-HP