Dans son discours du 18 septembre 2018, le président Macron affirmait sa volonté de

« remettre le médecin au cœur de la gouvernance hospitalière » et de « renforcer la participation des médecins au pilotage stratégique en associant mieux aux décisions médicales les médecins élus à la CME» ; il insistait sur le fait que « la CME devait peser plus dans les décisions à l’hôpital et représenter l’ensemble des médecins de l’hôpital ». Pour cela il voulait « redonner toute sa place au service » et « promouvoir un cadre favorisant le sentiment d’appartenance à un collectif organisé dont les missions, les objectifs, les procédures sont connues et partagées ».

Ce mardi 2 mars 2021, le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux (CSPM) devait voter sur trois textes relatifs à la réforme de la gouvernance à l’hôpital public censés mettre en forme les orientations présidentielles :

  1. Projet d’ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital
  2. Projet de décret relatif aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital
  3. Projet de décret relatif aux attributions des présidents de commission médicale de groupement et de commission médicale d’établissement

Or que constatons nous ?

Un projet de décret constitué d’un gloubi-boulga d’articles non aboutis, avec de nombreux manques, ne permettant pas d’apporter une vision globale suffisante et des réponses précises face aux enjeux d’une gouvernance réellement transformée et ambitieuse. Plusieurs points restent figés dans une vision passéiste et conservatrice, en contradiction avec le discours présidentiel, et ce malgré nos interventions réitérées au cours des différentes séances de concertation.

A titre d’exemples, le texte soumis au vote ce matin prévoyait que la CME « élabore et propose le projet médical au directoire », uniquement, sans que l’avis favorable de la CME ne soit, in fine, requis pour que le projet médical soit validé. Finalement, en d’autres termes, le directeur, président du directoire, peut décider seul, ou avec ses équipes administratives, de l’orientation des activités médicales de l’établissement, du devenir des équipes et des praticiens. Quel poids pour la CME dans ces conditions ? Quelle place pour les praticiens et les responsables de services et d’unités qui connaissent les besoins de santé de leurs populations et qui soignent au quotidien les patients dans les établissements de santé ?

Concernant les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), le même constat est fait pour la Commission Médicale de Groupement (CMG), dont l’avis favorable n’est pas non plus requis pour transmettre le projet médical partagé au comité stratégique, présidé par le directeur du GHT et véritable organe décisionnel du GHT. Comment le Président de la CMG pourrait-il « coordonner » la politique médicale du groupement» si elle n’a pas eu l’aval de la CMG ?

Concernant la composition de la CMG, les représentants des PH seraient désignés par et parmi les membres de chaque CME, mais cette procédure reste à préciser et il serait préférable que les représentants à la CMG soient élus au même titre que les représentants des PH à la CME, les deux élections pouvant être couplées, comme nous l’avons proposé. De plus il est prévu un seul vice-président à la CMG. Nous avons proposé que les Présidents de CME de chaque établissement soient vice-présidents de la CMG pour assurer une meilleure représentation des établissements partie.

Des codécisions entre Président de CME/Président de CMG et directeur sur les nominations des chefs de pôle et les chefs de service, l’organisation interne en pôle et services, la politique de la qualité de la sécurité et de la pertinence des soins sont prévues par ces textes. Cependant les mécanismes de régulation en cas de désaccord entre le PCME/PCMG et le directeur ne sont pas prévus. Nous proposons que pour tout ce qui relève de l’activité médicale un vote de la CME/CMG doit avoir la prééminence.

Enfin, pour l’organisation interne le chef de pôle inter-établissement devrait obligatoirement être un praticien de l’un des établissements partie concernés, et un avis favorable des CME concernées devrait être requis.

Devant un tel constat, nous avons voté unanimement contre ces textes et ce projet de décret, qui va totalement à l’encontre du rapport Claris que nous avions approuvé.

Nous continuerons à nous battre pour que « la CME et les médecins puissent peser dans les décisions à l’hôpital et puissent prendre une part de décision propre ». La loi HPST a donné le tout pouvoir aux directeurs et il aura fallu moins de 10 ans pour constater toutes les conséquences désastreuses d’une gouvernance administrative en termes de management, de qualité de vie au travail et d’attractivité des praticiens. Poursuivre dans cette voie sera mortifère pour l’hôpital public et portera préjudice aux patients et à la qualité de la médecine hospitalière.

Extrait du discours du Président de la République de 2018 :

En termes d’organisation de l’hôpital les choses doivent aussi être plus claires, je veux redonner toute sa place au service, car c’est l’espace de référence des soignants et le lieu de la prise en charge des patients. Non pas pour restaurer des bastions cloisonnés, je ne veux surtout pas rentrer dans le débat beaucoup trop complexe pour moi entre les services et les pôles, dont j’ai compris que je ne parviendrais pas à en saisir la substantifique moelle, mais il s’agit au contraire de promouvoir un cadre favorisant le sentiment d’appartenance à un collectif organisé dont les missions, les objectifs, les procédures sont connues et partagée.

Et donc pour cela je veux remettre le médecin au cœur de la gouvernance. Il faut renforcer la participation des médecins au pilotage stratégique en associant mieux la CME aux décisions médicales, la CME doit peser dans les décisions à l’hôpital et pouvoir d’ailleurs prendre une part de décision propre. Responsabiliser les praticiens dans la mise en œuvre des décisions implique qu’ils s’en sentent partie prenante et à ce titre des représentants des communautés professionnelles de territoire intégreront le conseil de surveillance de leur centre hospitalier de proximité partenaires. Les groupements hospitaliers territoires seront dotés d’une véritable commission médicale d’établissement dont les compétences seront élargies, mais je souhaite aussi que les médecins et leurs représentants puissent prendre une part plus active dans les décisions directes des hôpitaux. Et je souhaite que la possibilité déjà ouverte aux praticiens hospitaliers et au PU-PH de diriger des hôpitaux se réalise pleinement à l’occasion des prochaines nominations et puisse être plus massive.

Il faudra aussi moderniser le statut de praticien hospitalier pour donner plus de souplesse dans l’évolution de carrière et dans la diversité des modes d’exercice. Là aussi il faut faire tomber les cloisons, un médecin doit pouvoir facilement passer d’un exercice en ville à un exercice à l’hôpital et réciproquement et surtout combiner les deux par un exercice mixte qui devrait devenir de plus en plus fréquent.

Dr Norbert SKURNIK, Président de la CMH Pr Sadek BELOUCIF, Président du SNAM-HP